On l’a fait

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Nous sommes le 1er juin 2025, il est 1h12 du matin,
je suis dans une navette entre le stade de Münich
et le parking du stade olympique.
On l’a fait !

Mon petit frère d’1m 94 est assis à côté de moi, nous échangeons des tonnes de regards, des sourires, des ouf de soulagement, des pffff d’extase, on se secoue passionnément, on se félicite, on se répète sans arrêt qu’on la mérite, que c’est fou, surréaliste… On l’a fait !

A notre gauche se trouvent nos potes, nos amis avec un grand A, nos frères. Seb et JP, en plus d’être de vrais partenaires de vie, toujours présents dans les coups durs, ils sont avec nous au Parc, en virage Auteuil, en bleu. Eté comme hiver, qu’il pleuve, qu’il vente, dans le malheur ou dans la gloire. Avec JP on salue tous les mecs qui montent dans le bus : «  enchanté JP champion d’Europe, enchanté Aymeric champion d’Europe aussi… » les relous ! Mais, ce soir, enfin ce matin maintenant, on a tous les droits, c’est vrai quoi : on l’a fait !

Steph n’a pas eu sa place, injustice totale, Jo et Alex (le zincou) eux viennent de nous quitter car ils rentrent l’un en avion, l’autre en train demain matin. Nous venons de les laisser après de longues étreintes les yeux presque encore mouillés d’émotion incontrôlables et incontrôlées. On se voit vite les frères ! Et les regardant s’éloigner, on gueule tous : « eh les gars ? – Quoi ? – On l’a fait ou pas ? – On l’a fait ! »

C’est alors que la navette s’arrête sur cet immense parking mais loin de la voiture, alors comme toujours, même si ce jour est un des plus forts et beaux de notre vie, nous sortons en gueulant, râlant et proférant 2 ou 3 mots doux en français histoire de solidifier l’entente franco-allemande et en éclatant de rire !!! On l’a fait !
Les gars chantent tous sur le parking, dans les voitures, tout le monde se congratule. On l’a fait ! On l’a fait, mais on a trop soif, faim, mal aux pieds, usés, exténués, mais il faut rentrer à Baden Baden : 2h30 de route. Et là, tout retombe, plus un bruit, chacun est posé, dans le noir de notre voiture qui, guidée par Seb, lui aussi à la lutte pour rester éveillé, nous ramène à l’hôtel.

Münich, 31 mai 2025 © Collection personnelle

C’est alors que tout naturellement j’observe mon petit frère, devenu si grand, je l’épie secrètement, je ne veux surtout pas qu’il me voit. Cette grande carcasse barbue redevient alors le petit frère, mon petit frère, celui que j’ai accueilli comme une bénédiction, un cadeau de la vie offert par mes parents juste deux ans après ma naissance, juste le temps de m’éveiller à la vie et d’être capable d’apprécier son arrivée. Nous sommes là dans cette voiture, sur l’autoroute et j’ai à côté de moi mon petit frère.

Nous avons tout fait ensemble, il a été comme un jumeau pour moi. Il a dû alterner différents rôles, d’abord celui de la poupée, du bébé qu’on touche, câline, embrasse, biberonne, presque le jouet. Puis, il a été une force, un soutien inestimable malgré son âge et son innocence. En effet, peu de temps après son arrivée, je tombais malade, chopé à 2 ans et demi par ce putain de crabe ! Le salaud, le lâche, s’en prendre à un enfant, rien ne l’arrête ! Mon petit frère, sans un mot, il ne parlera qu’à 3 ans la feignasse, m’a toujours apporté la force nécessaire pour accepter de combattre, il a été mon meilleur allié, il ne fallait pas faire de peine à bébé…

Bref, ayant à 4 ans finalement déjà remporté ma première ligue des champions à moi, je commençais et finissais la même année la maternelle collé à mon frère qui lui débutait. Tel le chevalier blanc, invincible et ma crinière ayant repoussé, je m’efforçais de lui rendre tout ce qu’il m’avait donné malgré lui. Ainsi, à la cantine, je me gavais de pamplemousses acides, qu’il détestait pour qu’il ne se fasse pas attraper. Je lui devais la vie, alors quelques pamplemousses… Lissé sur une vie ce n’est pas bien grave !

L’aventure vers un nouveau monde

Mais quel rapport avec le PSG, la finale et Münich me direz vous ? C’est évident, ce lien indestructible créé dès le début de nos deux vies à Greg et moi allait devenir le ciment de notre passion pour le PSG. A 7 ans pour moi et 5 ans pour Greg, nous allions découvrir un nouveau monde, magique, fantastique, qu’on ne croise normalement que dans ses rêves. Vous savez, dans ces rêves uniques dans lesquels lorsqu’on se réveille on referme instantanément les yeux de peur de ne pas réussir à y retourner !

Ce jour-là, quand nous avons découvert le Parc des Princes de la rue, nous étions tous les deux des Christophe Colomb, des Magellan, des grands navigateurs, des aventuriers qui avaient accepté d’aller au stade sans savoir ce que c’était finalement. C’était l’aventure vers un nouveau monde, notre nouveau monde. Les odeurs de nourriture, d’oignons frits, de graillon, puis de cigares, la foule et puis notre déguisement, maillots Hechter RTL sur le dos, écharpes PSG BBRBB en laine autour du coup achetées aux vendeurs à la sauvette autour du stade, une crécelle en bois à la main et une corne de brume, d’ailleurs confisquée par un CRS ! Toutes ces marches à gravir avec l’excitation de l’inconnue qui grandissait. Qu’allions nous découvrir ? Pourquoi tous ces gens se précipitaient eux aussi pour pénétrer ce vaisseau de béton ?

On entendait des cris, des grondements, des éclats de voix, il fallait aller voir.
Et là, une fois arrivés à l’entrée de la tribune, Boulogne à l’époque, avec Greg, nous basculions dans un autre monde, nos yeux n’en pouvaient plus d’être émerveillés par ces lumières, cette arène, cette enceinte, ce rectangle si vert et si beau.
C’était un enchantement, il n’y avait pas de mots, d’ailleurs il n’y avait rien à dire, c’était magique. Peu importe le résultat, une fois rentrés dans notre maison près de Noisy le Roi, avec Greg, impossible de dormir, nous échangions nos émotions, nos souvenirs si proches et déjà si lointains, mais il fallait en parler et en reparler pour les ancrer dans nos mémoires et ne plus jamais oublier. Nous venions de découvrir ce qu’était la PASSION !

Le Parc BBRBB © Icon

Le stade, le bruit, les odeurs, les cris, les chants, les joueurs, les maillots, les buts, la joie, le stress, l’adversité, la mauvaise foi, le foot quoi… Non c’était encore plus fort que le foot, c’était autre chose, de plus dément, de plus incontrôlable, des sentiments et des émotions jamais ressenties. C’était la passion du PSG ! Elle était là en nous, nous l’avions laissée entrer par la grande porte, hypnotisés par son charme et sa beauté. Avec Greg nous venions pour la première fois de notre vie de tomber AMOUREUX. Oui, amoureux et coup de chance incroyable, cette passion avait assez d’amour pour nous deux, pas la peine de faire un choix ni d’en sacrifier un de nous deux, quel bonheur inestimable !!!

Dès lors, les années se sont enchaînées, tous nos bains étaient ponctués de chants avec en tête le « allez Paris Saint Germain » titre enregistré en 1977 et réédité en 1982 après notre premier titre en coupe de France, gagné face au grand St Etienne de Platini. Cette chanson je m’en souviens encore, Greg aussi. Chaque passage quotidien à la salle de bains était pour nous un moment béni : celui d’animer notre Kop à nous, en braillant les couplets en yaourt avant d’envoyer avec fierté et sérieux le refrain.

© Collection personnelle

Nous connaissions désormais mieux les caractéristiques de chacun des joueurs de notre effectif que nos leçons et que le coach lui-même : les noms, tailles, poids, lieux de naissance, anciens clubs. Nous étions devenus incollables. Les albums Panini s’empilaient, plus question d’être autre chose que le PSG lors des matches de foot en récréation !
Devant la petite maison qui était la nôtre, chemin de la source non loin de Noisy le roi dans le 78, nous allions jouer au foot en face de la fenêtre de la cuisine. Maman nous surveillait. Avant de sortir, il fallait revêtir l’habit de lumière : c’était maillot RTL deux bandes, short rouge et crampons Patrick puis plus tard adidas, que nous sortions fièrement.
Avant de donner le coup d’envoi, il fallait passer le seuil de la porte, traverser la petite route et pénétrer sur la grande étendue d’herbe. Dans notre imaginaire, nous entrions au Parc des Princes, le couloir, la vérification des crampons, pas de chaine autour du coup, les encouragements et puis l’entrée dans l’arène, la petite accélération sur la pelouse, on entendait les cris, les encouragements… Tout y était et quelques années plus tard résonnait dans nos têtes le «  Who Said I Would » de Phil Collins et le panneau d’affichage qui clignotait : les joueurs, les joueurs ! Un vrai cérémonial.

Et puis, il y a eu les deux coupes de France, 1982 contre St-Etienne et 1983 contre Nantes. Ça y est, nous existions aux yeux du football français et tout naturellement le premier titre arrivait en 1986. Quelle fierté, quelle immense fierté : CHAMPIONS de France. Plus jamais, à l’école on ne pourrait nous railler, nous cracher à la figure que nous n’avions jamais été champions. En même temps que nous remportions nos premiers gallons, nous devions déménager et partir habiter à 300 km de notre maison de campagne, de notre QG, de notre temple du foot, de notre paradis… C’était fini les 30 minutes pour rejoindre le Parc, désormais ce serait 600 km obligatoires pour satisfaire notre passion.

Le Penalty victorieux en 1982 © Icon

C’était un sacré coup dur, une vraie déchirure… J’avais à peine 11 ans, Greg bientôt 9 et voilà qu’on nous kidnappait pour nous retrouver si loin du Parc. Il fallait l’accepter, il n’y aurait pas de retour en arrière. Pendant plusieurs années, nous avons dû, à Saumur, ville d’équitation avec son cadre noir, nous adapter et suivre notre PSG à distance. Pas grave, notre passion ne s’en trouvait que renforcée et indestructible. Nous deux contre tous à représenter fièrement la capitale au collège pour moi et à l’école pour Greg. Que ce soit en classe, aux récréations ou en cours de sport où là nos maillots brillaient de mille feux !!!

Nous étions les 2 nouveaux arrivés de Paris, les Parigots comme ils aiment à nous appeler. Et bien nous ça nous allait bien ! Et puis, dans cet établissement, il y avait une section sport étude foot, les pépites du collèges ! Entrainées par un des professeurs de sport : Mr Bernier qui était aussi entraîneur joueur du RC SAUMUR. Mr Bernier a toujours voulu nous recruter et il est même allé jusqu’à prendre un rendez-vous chez mon père, médecin rhumatologue, en prétextant un problème de genou afin de lui parler de nous pour nous enrôler au club. Quand nous avons appris cela, Mr Bernier était à jamais un intouchable ! Léger problème cependant, le paternel détestait le foot et il avait refusé avec détermination et fermeté la proposition de notre professeur. Encore un coup dur pour les enragés que nous étions et surtout beaucoup de tristesse et d’incompréhension…

La vengeance s’exprimait partout et tout le temps, au quotidien ! N’importe quel endroit était prétexte à jouer au foot, notre chambre, un couloir, la cuisine, le jardin, la cour, partout nous étions au Parc, partout nous étions le PSG et tout y passait : les portes , les carreaux, les lanternes de la cour, les portières de voitures, les fleurs du jardin, les meubles, le parquet de notre piaule, tout !!! Que ce soit, un ballon de baudruche, un jouet de notre petit frère bébé, la balle du chien, nous jouions avec tout et n’importe quoi et les buts s’enquillaient que ce soit du plat du pied, de l’extérieur, du coup de pied, tête plongeante ou un délicieux petit piqué après un râteau ou un passement de jambe !!!

Quel parcours du combattant

Tous les samedis c’était les multiplex à la radio : «  Eeeeh buuuut au Parc… », parfois c’était la télé, quel bonheur ! Nous sommes allés jusqu’à regarder des matches en brouillé avec Greg, planqués dans le petit salon, lumières et sons éteints pour échapper aux rondes de papa ! Et puis adolescents, il a bien fallu trouver une solution pour de nouveau retourner au Parc, surtout que le supportérisme parisien prenait de l’ampleur, depuis 85 et les Boys c’est maintenant avec l’arrivée de Canal + que le virage Auteuil allait éclore. Il fallait en être. Nous avions commencé petits à Boulogne et nous voulions participer à la création du Virage Auteuil, c’était à notre tour de montrer que nous étions capables d’apporter notre pierre à l’édifice des ULTRAS parisiens.

En grandissant, nous avions mis au point un plan de bataille bien rôdé, un chemin de croix parfois, une véritable opération commando d’autres fois mais il le fallait, à chaque nouveau match au Parc, nous étions en mission. D’un commun accord, Greg et moi avions décidé de dédier notre argent de poche au PSG. Le plan consistait à appeler le service billeterrie, réserver nos places en téléphonant d’une cabine, puis d’envoyer notre chèque avant de guetter jour après jour le courrier afin de récupérer nos précieux sésames. Mais il restait encore, le transport puis le logement… Sans oublier la motivation de nous rendre à Paris, le football n’était pas pour nos parents une raison valable et suffisante. Heureusement, nos oncles habitaient à Versailles… Les visites aux « tontons » ont vite été à la mode ! Nous étions devenus de vrais modèles en terme d’esprit de famille. Il ne restait plus qu’à trouver des billets de train pas cher entre Saumur et Paris et la mission serait remplie.

Voilà, à l’adolescence, quel parcours du combattant se dressait devant nous pour vivre notre passion. Cela en aurait certainement découragé plus d’un, mais pas nous, pas Greg et moi, impossible. Nous avions ensemble réalisé notre parcours initiatique et pourquoi je ne saurai jamais, mais nous avions exactement ressenti les mêmes choses et développé la même passion, tout à l’identique. Seule l’identité de nos chouchous dans l’équipe pouvait varier. On peut dire que nous étions pour chaque match à domicile : « on tour ». Un match à domicile équivalait pour nous à un déplacement. Mais c’était grisant et puis tout cela coïncidait avec l’apparition d’Auteuil.

Les Supras © Merry Moraux

Tout était nouveau pour nous, petits nous avions découvert Boulogne et les débuts du mouvement ultra parisien. Cette fois-ci nous avions décidé avec l’arrivée de canal, le recrutement de nouveaux joueurs, un nouveau projet, un entraîneur de renom de participer à la création de ce virage, longtemps réservé aux visiteurs.
Il ne fallait pas manquer cela, notre jeune âge nous demandait de foncer et de devenir de bons et loyaux soldats utiles, convaincus et nécessaires pour créer l’armée du PSG !

Franck en kapo était pour nous une figure, un héros, un intouchable, un invincible. Un regard de lui, un sourire ou une consigne pour chanter encore plus fort était pour nous un cadeau inestimable, une récompense. Pour obtenir tout ça, il fallait arriver tôt au stade voire très tôt… Le but étant de se caler le plus proche possible de notre kapo mais en respectant son groupe, nous avions été vite habitués aux règles des tribunes. Nous restions néanmoins de jeunes padawans en formation. Il était temps de nous carter et tout naturellement nous nous sommes dirigés vers les SUPRAS. Cette idée d’appartenance à un groupe, à une famille, à une entité, cette envie de nous rendre utiles au sein du virage devenait indispensable. Nous voulions sans cesse prouver que nous étions des acteurs et plus des spectateurs et encore moins des consommateurs. La découverte du monde ULTRA et notre entrée dans cet univers n’a fait que renforcer ou plutôt décupler notre passion. Plus rien, ni personne ne pourrait plus jamais nous arrêter.

Malheureusement, nous ne pouvions pas, avec la distance nous investir comme nous aurions souhaité le faire, c’était pour nous une frustration voir une petite honte de ne pas apporter plus. Mais loin de nos bases, loin du Parc, lâchés en province dans ce monde anti parisien, nous défendions fièrement et avec ardeur notre PSG mais en nous revendiquant ultras certes apprentis mais ultras quand même. Les trousses, les fanzines, les écharpes, tout y passait, il fallait marquer notre territoire et essayer de recruter pour élargir notre force de frappe et convertir. C’est à cette époque que nous avons appris Greg et moi à convertir la haine et les moqueries en force. Nous avons appris à maîtriser l’histoire du club, à nous imprégner de la culture foot et club pour pouvoir nous défendre par l’argumentation.

Trouver des punchlines, fermer des bouches mais toujours avec le sens de la formule comme en virage finalement que ce soit sur des banderoles, des bâches ou dans les paroles de chants. Écouter les mecs clasher l’adversaire a toujours été un délice pour nos oreilles… Les années 80 ont été une période de découverte et d’apprentissage.
Les années 90 ont représenté l’âge d’or de notre carrière de supporter. Dès la reprise du club par CANAL, un nouveau projet ambitieux avec la venue de joueurs prometteurs et confirmés nous poussait à encore plus nous investir. Il aura fallu le cœur gros dire adieu à notre président emblématique, à la fois humain et passionné. Notre Francis Borelli qui, pour nous supporters parisiens aura été un père bienveillant et toujours à l’écoute.

L’époque CANAL ce sera Michel Denisot. Mais pour nous, les années 90 sont marquées par l’avènement du VA, le virage Auteuil et enfin l’obtention du précieux sésame : notre premier abonnement. Avec Greg, nous avons été cartés avant d’être abonnés. Mais une fois le budget réuni, nous étions enfin ABONNES.

En même temps que notre virage prenait de l’ampleur, tout s’accélérait : nous avions de l’argent pour les transferts, un coach ayant déjà gagné la coupe des clubs champions (Artur JORGE et son dupont Denis TROCH), des joueurs sérieux, investis et dévoués pour le club et les résultats s’enchaînaient. Dès la saison 1992-1993, le PSG réussit une campagne européenne en coupe UEFA incroyable, magique et pour moi la plus belle de toutes. C’était naturellement avant de vivre cette année indescriptible finie en apothéose…
En 92-93, les Lama, Roche, Ricardo, Colleter, Sassus, Guérin, Le Guen, Valdo, Weah, Ginola, Simba, Bravo pour qui j’ai une tendresse particulière sans oublier le sauveur du Parc Astrid et le casque d’or du Real réalisent un parcours digne des plus grands d’Europe et nous supporters en faisions de même que ce soit au Parc ou dans tous les parcages d’Europe.
A Salonique, Naples, Anderlecht, Madrid et la Juventus… Partout où nous passons l’herbe ne repousse plus, la qualité, le spectacle et surtout les émotions sont folles.
Et une fois de plus notre histoire sera marquée par une injustice en demi lorsque l’arbitre au Parc est le seul à ne pas voir le pénalty sur Mister George… Je me souviens encore de mes larmes cachées dans les toilettes de chez mes potes Mathieu et Sébastien. J’étais chez eux car ils avaient CANAL et nous n’avions pas pu aller au Parc.

Capitaine Raì © Icon

Cette épopée restera gravée à vie dans ma mémoire. Avec Greg, nous avions acheté la VHS EURO PSG et encore aujourd’hui nous connaissons les dialogues par cœur, les musiques et les buts ! Puis l’année d’après, nous avons pris notre deuxième titre de champion ! Et Rai le joueur préféré de mon Greg était arrivé en janvier… Il allait devenir le capitaine emblématique du club : une légende.

Dès lors nous faisions trembler l’Europe du football et 5 demi finales de coupe d’Europe s’enchaînaient et deux finales de coupe des coupes. 1996 restera également une étape indissociable de notre histoire. La finale de Bruxelles, le but de Bruno Ngotty face au Rapid de Vienne de Janker. Enfin nous avions notre coupe d’Europe, gagnée à la régulière et avec un vrai parcours (Celtic, Parme, La Corogne) pas comme les sardines de 93 et leur poule d’intertoto ! On nous soulait depuis 3 ans avec les marseillais et leur coupe d’Europe, « A jamais les premiers » tellement prétentieux et surtout amnésiques des décisions de justice qui avaient mis en évidence les tricheries avérées et organisées de ce club… Encore aujourd’hui, on entend dire que tout le monde savait mais personne n’a jamais rien dit… Peu importe, ils ne sont même plus un sujet pour nous !

Et puis après le poteau de Loko et le péno de Ronaldo en 97 à Rotterdam, Il y a eu les années Colony, un calvaire au niveau des résultats mais l’apogée en tribune, je passe sur les antagonismes entre certains groupes, ça ne m’a jamais intéressé, j’ai tellement adoré et profondément aimé que nous chantions tous et toutes à l’unisson au Parc et en parcage.
Ce sentiment de puissance totale qui m’a souvent animé lorsque le peuple parisien éteignait l’adversaire d’une seule voix, ces échanges Boulogne – Auteuil… Et puis, avec mon frère, nous avons connu dès le début ces conflits, que ce soit dans les années 80 à Boulogne avant de participer à la création du VA. Il ont toujours été pour nous deux un crève cœur.

Une nouvelle histoire a commencé

Soudain alors que j’allais me remémorer la terreur provoquée par le Sochaux PSG, tout le monde s’excite dans la voiture, des mecs de chez nous, des champions d’Europe se sont percutés et plusieurs voitures sont en travers sur l’autoroute… Tout le monde demande du coup à Seb s’il se sent de continuer, si tout va bien, s’il veut faire une pause… Seb après avoir rassuré les troupes finira la route en guerrier ! Je peux alors repartir à Bonal et revoir le but de Diané, nous devant la télé regardant ce ballon rouler, rouler, rouler si lentement que le temps s’était arrêté avant d’hurler à la fenêtre de mon appart juste face à la tribune PARIS ! Et puis avec la vie, Greg a du aller bosser à gauche, à droite c’est même notre petit frère Romain qui est venu le remplacer en virage avec moi et les autres. Ensemble nous avons été chassés du Parc par le plan Leproux sur lequel je ne reviendrai pas tellement il est pour nous une injustice totale qui laissera à jamais une cicatrice béante et la fin de notre Parc, celui de notre enfance, de notre adolescence et celui qui restera pour toujours le seul et l’unique Parc des Princes.

La passion trop forte, la vision de notre Parc devenu si impersonnel et de notre virage dépeuplé de ses proprios ! Nous sommes repartis avec un abonnement aléatoire, en Boulogne rouge jusqu’à retrouver Auteuil bleu puis ensuite le retour des Ultras, après un long combat… Le Qatar avait acheté un stade aseptisé mais s’était finalement rendu à l’évidence : un écrin sans vie, si beau soit-il, ne pourra jamais faire «  rêver plus grand ! » Avec notre retour, les stars et les titres se sont empilés, une nouvelle histoire a commencé.
Et même si mon Greg n’était plus au stade, toutes nos conversations, nos SMS ou appels ne parlaient que du PSG… Et puis Greg est revenu en région parisienne, à Boulogne d’ailleurs jusqu’à cette année 2024-2025… J’étais en octobre dernier dans ma classe de CM1 de l’école Musset où je travaille maintenant, après avoir quitté l’école du Parc des Princes !
Je corrigeais des cahiers, lorsque j’ai vu que ma belle-sœur m’avait laissé un message. C’était d’ailleurs assez rare, un message vocal, étrange…

Les frangins © Collection personnelle

Là, pourquoi je ne sais pas, j’ai eu un sentiment de stress, de peur, de mal être, elle me demandait de la rappeler pour m’annoncer qu’on venait de découvrir chez mon frère, une tumeur au cerveau ! Je l’écoutais m’annoncer cela, j’étais pétrifié, paralysé, muet, le temps s’était arrêté ! J’ai raccroché, éclaté en sanglots mais sans un bruit avec ma bouche sur mon bras pour ne pas être entendu par mes collègues. Et puis j’ai séché mes larmes, il fallait aller chercher les élèves, faire cours comme si de rien n’était… Plus tard je suis rentré, je suis resté prostré sur le petit canapé du salon seul dans le noir et le silence ; et puis j’ai repassé le film de notre vie à tous les deux, toute notre vie, seulement la notre, parce qu’elle existe belle et bien cette vie-là. Nous avons grandi et vécu avec toute notre famille, notre frère, nos parents, nos grands parents, nous nous sommes mariés, avons eu des enfants, mais parallèlement à tout cela, nous avons eu notre vie à nous . Elle est unique et personne ne la connaît, il est moi et je suis lui point !

A 2 ans et demi, il avait été mon remède, ma raison de vivre et de m’en sortir.
A 49 ans, je devais tout faire pour être à mon tour là pour lui. Les rôles étaient alors inversés et nous n’étions plus des enfants. Et c’est à ce moment, terrible pour nous, que notre PSG est venu à la rescousse ! Ce PSG pour qui nous avons tant et tant donné et combattu depuis notre enfance, celui là même pointait le bout de son nez en enchaînant victoires sur victoires ! Plusieurs fois je n’allais même plus au stade comme s’il était interdit de profiter de notre passion sans lui. J’allais voir les matches chez Greg et je donnais ma place aux fils de mes potes. Et puis, petit à petit, en même temps que notre combat pour la vie commençait, notre PSG écrasait tout sur son passage, dans la difficulté, mais avec courage, classe et abnégation, comme pour nous montrer le chemin et cela jusqu’à arriver en finale de ligue des champions !

Munich ! Putain. Greg, on est en finale, on y est ! Ma mission dès lors c’était d’emmener mon frère en finale ! Il fallait des places, il le fallait… Là encore cela a été un vrai combat, mais sans jamais baisser les bras et puis le destin, pourquoi ? Là encore je ne sais pas, mais l’amitié, le monde ULTRA, la bienveillance, et notre PSG, tous se sont alliés pour que Greg finisse par être du voyage avec moi et les autres : JO, SEB, JP, ALEX et il manquait STEPH ! Ce 31 mai aura été un tournant de ma vie, de notre vie, à nous 3 : Greg, moi et notre PSG !
Nous avions tout vécu du début, en 82, avec la première coupe de France jusqu’à notre impossible rêve : soulever cette ligue des champions ensemble tous les 3 !

Mon Greg, mon petit frère, parce que tu resteras pour toujours mon petit frère même du haut de ton mètre 93 et de tes 90 kilos, mon bébé comme je t’appelais quand tu es né, mon jumeau, mon tout, je te regarde t’endormir dans cette voiture, fatigué par ce qu’on sait mais tellement apaisé de bonheur par cette finale remportée, ces chants entonnés ensemble et cette coupe en plastok que je t’ai vu soulevée avec rage, mon frère j’ai envie de te chuchoter à l’oreille pour que tu passes une belle nuit : ON L’A FAIT ! Et rien ni personne ne pourra jamais nous l’enlever. On l’a fait et je t’aime mon frère.


Aymeric Le Meignen

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